ASSOCIATION BENJAMIN FONDANE

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Dana Duma : Benjamin Fondane cinéaste par notre correspondante en Roumanie Oana Soare

1/5/14




Dana Duma : Benjamin Fondane cinéaste,
Centenarul Filmului Romanesc, 2010, 123 p.

 
Excepté les textes de Michel Carassou, Olivier Salazar-Ferrer et Ramona Fotiade pour le volume Ecrits pour le cinéma. Le muet et le parlant, paru en 2007, ou de quelques pages sur les interférences entre la théorie d’Antonin Artaud  et celle de Fondane (http://books.google.ro/books), qui font partie, probablement, d’un futur livre de Ramona Fotiade, Pictures of the Mind. Surrealist Photography and Film (dont la parution est prévue  pour 2014), et du grand dossier de 45 pages  'Benjamin Fondane, esthétique et cinéma' paru dans la revue d'esthétique La part de l'oeil (Bruxelles, n°25-26, 2010-2011) sous la direction d'Olivier Salazar-Ferrer, les œuvres consacrées au réalisateur ou au théoricien du film Benjamin Fondane ne sont pas nombreuses. On ne peut donc qu’apprécier le livre du critique de film roumain Dana Duma, Benjamin Fondane cinéaste, paru en 2010 dans la prestigieuse collection « Le Centenaire du cinéma roumain ». Bien qu’il s’agisse d’un petit livre d’environ 120 pages, il n’est  oublié presque rien de l’activité de Fondane à l’égard du septième art : un chapitre entier est consacré au théoricien du film, un autre à l’activité du scénariste de la Paramount Pictures. Sont analysés sucessivement le film Tararira, dirigé par Fondane, mais qui ne fut jamais diffusé, et les Ciné-poèmes. De plus, Dana Duma analyse dans le dernier chapitre un documentaire sur la biographie et la personnalité de Fondane, réalisé en 1988 par la cinéaste, l’essayiste et la poète Ana Simon, une Roumaine établie en Suisse.
Le mérite fondamental de ce livre est que l’activité cinématographique de Fondane est analysée par une spécialiste : Dana Duma étant l’une des plus importants critiques roumains de films. De plus, son analyse est fortement comparative, rendant possible ainsi une meilleure position de l’activité de l’auteur roumain dans le contexte du cinéma de son temps. Sa démarche est justifiée dès le début : « Sa création cinématographique est examinée dans le contexte des œuvres d’esthétique et des théories du film les plus influentes des années 20-30, mais aussi dans le contexte effervescent du cinéma d’avant-garde de la même période. La comparaison entre les études théoriques ou les mises en scène de Fondane et les contributions dans le même domaine de quelqu'uns des plus importants cinéastes européens n’est jamais au détriment de notre compatriote ».
Dans le chapitre consacré au théoricien Fondane, Dana Duma s’intéresse également à la série des articles réunis, 70 ans après la mort de l´auteur, dans le volume Ecrits pour le cinéma (Verdier Poche, 2007). La plaidoirie de Fondane en faveur du film muet au préjudice du parlant, avec l'argument que la suprématie du dernier signifierait le déclin de la pantomime, est similaire à celle de Charlie Chaplin ; l’effroi ressenti face à l’apparition d’un « théâtre parlé » le rapproche des signataires du Manifeste de 1928, Serge Mihailovic Eisenstein, Vsevolod Poudovkine et Grégoire Alexandrov qui proposaient, comme le fera plus tard Fondane lui-même, l’asynchronisme, c’est-à-dire la non-coïncidence entre l’image et le son ou, plus exactement, l’association d’une image et des sons non équivalents, pour accroitre le mystère.
Dana Duma insiste sur l’influence du réalisateur René Clair sur l’évolution de Fondane, saisissable non seulement au niveau théorique, mais aussi dans l’activité du réalisateur roumain ou dans l’écriture des ciné-poèmes. Ces dernières sont analysées dans un chapitre distinct, rattaché à une direction particulière dérivée du cinéma d’avant-garde parisien. Ainsi, dans les Ciné-poèmes de Fondane serait évidente l’influence non seulement des quelques pellicules de Man Ray ou de René Clair (les films Emak Bakia ou Entr'acte), mais aussi celle d’un court-métrage onirique sur l’érotisme féminin, comme La Coquille et le Clergyman (1927) de Germaine Dulac. Les personnages, l’atmosphère et les décors rappelaient d’autres pellicules célèbres du cinéma d’avant-garde, comme celles de Louis Delluc, Germaine Dulac ou Marcel L’Herbier. D’ailleurs, d’autres écrivains surréalistes, comme Robert Desnos, pratiquaient ce type de poème.
Une attention particulière est accordée au film Tararira, dirigé et monté par Fondane en Argentine, film projeté dans un cadre restreint, sans être distribué officiellement et qui, finalement, a été perdu. Le film, tourné sur pellicule blanc-noir de 35 mm, avait eu, au début, d’autres titres, comme La Bohemia de hoy et La Nariz de Cleopatra ; les frères Aguilár (Ezequiel, Paco, Pepe et Elisa), qui formaient un groupe fameux de musiciens, semblable au groupe des Marx Brothers, jouaient les rôles principaux. Un des frères Aguilár, Paco, s’occupait de la musique, en choisissant, parmi les chansons argentines populaires et yiddish, des pièces de Haydn, Mozart, Brahms ou Ravel. A première vue, il s’agissait d'une succession de gags, dans lequel on pouvaitt saisir, comme le précise, d’ailleurs, l’auteur elle-même, « des influences des comédies de Mack Sennett, de Chaplin ou des frères Marx, mais aussi de la Commedia dell’ Arte » ou « des passages où domine le comique de la destruction, dans lequel est ironisé le conformisme du petit bourgeois » ; en bref, il s’agissait « d’un film réalisé avec une grande confiance dans l’humour absurde ». Finalement, le faible équipement technique, mais aussi la lenteur typiquement argentine, tous deux déplorés par Fondane dans les lettres à sa famille (eux-aussi présentées et analysées dans le volume) ont conduit à l’échec relatif du montage de la pellicule.
Peu commenté en Roumanie, où Fondane est peu connu, le livre de Dana Duma a beaucoup plus de chances d’intéresser le public occidental et, en particulier, les exégètes de ce créateur polymorphe.
 
Dana Duma est critique et historien roumain de film. Elle est professeur à Université Nationale d’Art Théâtral et Cinématographique U.N.A.T.C de Bucarest où elle enseigne l’histoire et l’esthétique du film. Parmi ses livres, on peut citer :  Autoportretele filmului (Les autoportraits du film), 1983 ; Gopo, 1996 (Ion Popescu-Gopo a été le créateur du film d’animation roumain) ; Woody Allen, bufon si filosof (Woody Allen, bouffon et philosophe), 2005 (prix de l’Union des Cinéastes de Roumanie). Elle est l’auteur de nombreux articles (presque 3000), publiés dans des revues roumaines (Caiete critice, Romania literara, Contemporanul –Ideea Europeana etc.) ou étrangères (Film international et Moving Pictures - Grande Bretagne, Animafilm - Pologne, Moviest - Hongrie). Dana Duma est membre du jury FIPRESCI des festivals de Valladolid (1996), Locarno (2009) ou Venise (2011).     
 
 

 
 

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